La diffamation à l’ère des médias sociaux
En 2021, les réseaux sociaux occupent une place non négligeable dans nos vies. Ceux-ci constituent non seulement un moyen de communication, mais également un lieu pour partager nos souvenirs et, avec l’avènement du télétravail, un outil pour échanger avec nos collègues, employeurs et clients. Étant reconnus comme des plateformes pour s’exprimer, les réseaux sociaux peuvent également devenir un outil de diffamation.
C’est ce qui est survenu dans le cas de la décision récente Résidence St-Jude [1]. Dans cette affaire, la plaignante dénigre son employeur sur Facebook. Par ses propos, elle critique les conditions de travail à la Résidence et cible directement l’organisation et son directeur général, lesquels sont expressément nommés dans des publications apparaissant sur la page personnelle de la plaignante et dans des commentaires qu’elle a rédigés.
À la suite d’une enquête et après un entretien avec la plaignante, l’employeur décide de la congédier au motif qu’elle a manqué à son obligation de loyauté. Dans ce cas, le dossier de la travailleuse bénéficiait de plusieurs facteurs atténuants : dossier disciplinaire vierge, aveux lors de l’enquête et bonne foi quant à la confidentialité de ses propos. Le tribunal conclut qu’une sanction disciplinaire sévère est effectivement justifiée dans les circonstances, mais remplace le congédiement par une suspension de sept mois sans solde, sans cumul d’ancienneté ni avantages sociaux.
[1] Syndicat démocratique des salarié(e)s de la Résidence St-Jude (CSD) et Résidence St-Jude (9210-9719 Québec inc.) (Vickyan Tardif), 2018 QCTA 593
La jurisprudence expose d’autres situations où le tribunal a confirmé que le congédiement était la sanction appropriée. Ces décisions visent notamment des salariés ayant peu d’ancienneté, qui n’avaient manifesté que peu ou aucun regret, dont les actes constituaient une récidive et/ou dont les propos avaient eu une large diffusion.
Dans la décision Université de Sherbrooke [2], un chargé de cours a été suspendu pour une période de deux cours après avoir critiqué ouvertement un collègue, avoir tenu des propos qui ridiculisaient une décision de l’autorité et avoir délibérément passé outre une directive de l’employeur, tout cela devant son groupe d’étudiants.
Ainsi, il faut noter que la liberté d’expression du salarié est limitée par le devoir de loyauté qu’il a envers son employeur. L’employé doit donc être prudent avant de publier sur un réseau social ou de manière publique et doit « s’abstenir de tous commentaires qui pourraient nuire aux intérêts légitimes de son employeur ». [3] En cas de conflit entre la liberté d’expression au travail et l’obligation de loyauté du salarié, les tribunaux tendent à donner préséance à l’obligation de loyauté.
La règle est la même, que l’on publie sur son employeur ou sur n’importe quel sujet : il faut être prudent et faire preuve de réserve lorsqu’on écrit sur les réseaux sociaux! La liberté d’expression est un droit fondamental, mais elle ne permet d’aucune façon de porter préjudice à autrui.
N’hésitez pas à contacter notre équipe de professionnels en matière de droit du travail et de l’emploi. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
[2] Le Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université de Sherbrooke (SCCCUS) et l’Université de Sherbrooke, 2018 CanLII 103160 (QCSAT)
[3] Le Centre de la petite enfance Allô mon ami et Le syndicat de la Nouvelle Union, 2015 QCTA 749, p. 7 par. 66
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